Nice People #10
Cyril
L’Anguille
Ce qui frappe le visiteur qui passe le seuil de chez Cyril, c’est la chaude odeur de cuir qui vous enveloppe instantanément.
Ou peut-être est-ce l’ambiance si singulière et empreinte d’histoires de son appartement. A moins que ce ne soit l’hôte des lieux lui-même, les yeux rieurs derrière la barbe et qui vous propose d’emblée une bonne tasse de thé réconfortante.
Cela fait maintenant trois ans que ce passionné, ancien cadre supérieur dans les ressources humaines, a créé sa marque, L’Anguille. Un parcours atypique comme on les aime chez Kiss’n Vroom, dirigé par le cœur et l’intuition.
Pour la petite histoire, une « anguille » est un terme d’argot qui désignait la ceinture chez les voleurs du Paris de la fin du XIXe siècle. Cette atmosphère mystérieuse n’est pas pour déplaire à Cyril, fasciné par toute la littérature de cette époque, Vidocq en tête.
Chez L’Anguille, chaque objet est né pour répondre à un besoin précis du créateur.
Ça n’existe pas ? Cyril l’invente et le façonne dans le cuir ! Citons par exemple cet élégant étui pour paquet de cigarettes, imaginé pour cacher les affreuses images pseudo médicales de la lutte contre le tabac, ou encore son porte-clés fétiche, lanière épaisse de cuir équipée de deux mousquetons à chaque extrémité, à porter à la ceinture ou de façon plus éphémère autour du poignet, afin de garder les mains libres sans crainte de faire tomber ses clés.
Cyril étant le premier utilisateur de ses créations, autant vous dire qu’elles sont toutes largement testées et améliorées avant d’être proposées au commun des mortels.
L’étendue de ses produits fait ainsi le grand écart entre de magnifiques ceintures aux noms évocateurs (Condé, Corto, Kessel…) et des objets beaucoup plus inattendus – comme un protège platine vinyle ou un porte boules de pétanque, en passant par d’astucieuses et pratiques pièces de petite maroquinerie. Leur dénominateur commun : un choix des matières premières hyper exigeant, un design sobre et élégant et une exécution archi soignée qui fait la part belle aux détails.
Le process ?
Toute création commence par un gabarit en papier, décliné ensuite en carton, pensé et ciselé avec précision. Cette étape est décisive car le gabarit papier servira à commander un emporte-pièce en acier chez un spécialiste du genre, lequel emporte-pièce permettra enfin de façonner des dizaines (pour ne pas souhaiter des centaines !) de pièces identiques.
Une fois l’emporte-pièce reçu, Cyril peut découper les pièces de cuir soigneusement sélectionnées chez son fournisseur de peaux. Cette partie du travail exige pas mal de muscles et un voisinage plutôt tolérant, car il s’agit de taper sur l’emporte-pièce jusqu’à ce que ladite pièce se détache du grand morceau de cuir. Vient finalement le temps de l’assemblage, qui exige rigueur et concentration. Les trous sont d’abord percés au moyen d’outils adéquats, puis le fil passé dans les perforations au moyen d’une grosse aiguille, comme un procédé de couture classique.
En véritable homme-orchestre, Cyril gère absolument l’ensemble de sa marque : le développement et la fabrication des produits, le sourcing et l’achat des matières premières, la réalisation des photos de ses créations, la gestion du site à proprement parler (même s’il s’est fait aider pour l’intégration), ainsi que tout l’aspect commercial, communication et publicité… Il avoue avoir beaucoup de mal à déléguer, « le niveau de qualité que je m’inflige serait compliqué à imposer à d’autres » dit-il en rigolant. En résumé, il bosse tout le temps.
Son parcours
Malgré le challenge que représente le fait de se lancer à son compte, Cyril nous confie ne jamais avoir mieux dormi que depuis qu’il a quitté son poste à responsabilités. Après une quinzaine d’années passées à s’éclater dans une agence de communication spécialisée dans les ressources humaines, puis quatre ans à la tête d’une agence de travail temporaire, Cyril se retrouve à gérer pendant deux ans une société de formation en langues. Expérience qui se passe moyennement bien et qui décide Cyril à reprendre sa liberté.
S’ensuit un an de chômage pendant lequel notre futur sellier se dit qu’il aimerait bien monter quelque chose, sans idée précise. Il se retrouve un beau jour avec un fauteuil en cuir à retaper, et façonne des ceintures pour ses fils dans les chutes de peaux qu’il lui reste. Le bouche à oreille fait rapidement son office et Cyril se met à fabriquer des ceintures pour ses amis et un cercle grandissant de connaissances.
C’est parti ! Février 2015, mû par une intuition, il dépose le nom L’Anguille à l’INPI et achète dans la foulée le nom de domaine .paris qui vient d’ouvrir, sans trop savoir ce qui l’attend. Il se forme sur internet, « comme un sagouin », se gave de didacticiels en ligne et perfectionne son savoir-faire.
Etant motard, Cyril avait quelques années auparavant rencontré les fondateurs de Blitz dans l’idée de réaliser un reportage sur la culture custom. Ce projet n’aboutira pas mais permettra à Cyril de tisser un beau lien d’amitié avec Fred et Hugo et de leur présenter ses ceintures lorsqu’il créé sa marque. L’alchimie prend et Cyril se retrouve à présenter ses créations sur les stands tenus par Blitz au gré des différentes manifestations motocyclistes.
Avril 2016, Cyril suit une formation de quarante heures à L’Atelier Toolbox, monté par trois anciennes de chez Hermès et fait un véritable bond en avant question technique. L’Anguille atteint sa vitesse de croisière et Cyril développe rapidement d’autres produits que la ceinture, avec toujours comme même leitmotiv un besoin à satisfaire. Le porte-cartes permet de sortir léger sans la crainte de perdre son gros portefeuille et de devoir faire opposition à toutes ses cartes, le porte-passeport protège le précieux document et permet d’y glisser d’autres indispensables de voyage.
Ses références fétiches ?
Son porte-clefs, bien sûr, et la ceinture Condé, pour sa boucle et son montage.
En plus de créer de beaux objets, Cyril redonne également vie à des pièces anciennes en refabriquant la partie en cuir, pour des boucles de ceinture vintage par exemple.
Avec 26 modèles permanents et quelques autres dans les tuyaux, plus quelques belles collaborations avec Blitz donc, mais aussi A Piece of Chic ou encore Jicquy, L’Anguille semble promise à un avenir radieux.
« Avant j’étais un optimiste anxieux, maintenant je suis juste un optimiste » conclut Cyril de son regard pétillant. Chez Kiss’n Vroom, nous avons déjà succombé à la tentation et avons hâte de découvrir ce que les besoins de L’Anguille lui feront créer comme beaux nouveaux objets !
Les outils
Les créations
Photos : Camille