Nice People #2
Zef Enault
C’est un personnage haut en couleurs que nous avons eu la chance de rencontrer au Café Racer Tour le mois dernier. Ce rédacteur vedette du Magazine Café Racer est à l’honneur de notre Nice People du mois.
Il arrive en fanfare au café Le Lazare, en turbulent XT 350 bigarré, et la mine enjouée. La petite quarantaine triomphante, on lui en donnerait facilement dix de moins. Est-ce dû à son air mutin, la facétie de son regard ou son allure de jeune chien fou ? Sans doute un peu des trois. En tout cas, dès que la conversation démarre, l’intimidation vous guette. Il émane de Zef une maturité et une aura comme on en rencontre rarement. Déjà, il vous met très vite à l’aise, grâce à la douceur de sa voix grave. Puis il vous sourit et vous fait comprendre que le moment va être agréable… et efficace.
Originaire de Bretagne, Zef est un impatient de la vie. Il la dévore et ne cesse d’être surpris par elle. Une kyrielle de décisions et d’imprévus ont nourri son parcours jusqu’à aujourd’hui. Il y a déjà la moto qui rythme sa vie depuis ses 17 ans, mais il n’y a pas qu’elle. Monsieur Enault a étudié la philosophie (il est diplômé d’une maîtrise !) et a eu une fille très jeune. Eh oui, Zef expérimente, teste, sort de sa zone de confort…
Mais revenons à ses premières amours… Le rallye ! Ado, il rêvait d’être pilote au volant d’une 205 Turbo 16 ! Ce qui le fascinait ? Regarder les pros se mettre en travers au rallye de Suède…
Puis, un ami lui fait découvrir la moto, il s’achète sa première, une Yamaha 125 DTLC. Il a 17 ans, et c’est le début de l’aventure.
A 19 ans, il s’offre la meilleure sportive du moment, une CBR 900… Il subit un accident, sans blessures mais la moto est détruite… et c’est là qu’il va suivre un stage de pilotage sur les conseils de son concessionnaire dieppois.
Les choses sérieuses commencent…
1994, voilà donc Zef qui débarque sur piste, au Mans, avec pour seuls attirails, son perfecto et un pantalon en cuir gentiment prêté. “Tu viens faire quoi ici ?”, lui balance-t-on avec sourire. Les Journées K Kawasaki pardi ! Ni une ni deux, on le place dans le groupe des débutants. 1er tour, le corps se déplace, 2ème tour, les jambes se délient… Les instructeurs finissent par lui coller des sliders à l’aide de scotch. Et il gagne la course finale !
Je lui demande alors s’il est doué, il nous répond qu’il est juste prêt à prendre tous les risques. Ok ok Zef. N’empêche que le commun des mortels s’essayant à la piste ne pose pas le genou au bout de 5 minutes… Bref, le célèbre Adrien Morillas lui conseille de se lancer dans la compétition. Zef ne faisant pas les choses à moitié, quand il se lance dans une voie, c’est toujours à fond ! Il quitte la fac d’histoire tout juste entamée, et travaille comme pion dans des lycées et collèges puis la nuit dans une station service.
C’est le moment d’apprendre le pilotage et le bricolage ! Il s’abreuve alors de connaissance mécanique, apprend à régler les suspensions, et engloutit les spécificités des pneus.
Sa première participation à une vraie course est épique.
Zef a 21 ans, et joue totalement le jeu. Il est d’usage de camper sur place ? Zef amène sa tente! La vraie, pardi, avec ses sardines ! Les habitués le regardent arriver, et ne peuvent s’empêcher d’avoir le sourire aux lèvres. “Tu as vu de l’herbe ici ?” Euh… Qu’à cela ne tienne, perçons le bitume et vissons les sardines ! Zef découvre alors la solidarité motarde, et particulièrement celle que l’on trouve sur les paddocks. Il s’élance sur le track, se hisse rapidement aux avant-postes : 14ème à la première course en Promosport, 8ème à la seconde, puis 4ème etc.
A la fin de la saison, il assure être devenu un “vrai petit connard”, avec la tête comme un ballon… L’année suivante, rien n’avait plus d’importance que les courses. Lors de la première édition de la fameuse CB 500 Cup en 1996, parmi 130 engagés, il veut s’illustrer… et chute au tour de chauffe de la première course. Bilan : hôpital de Nevers pendant deux jours à cause d’un trauma crânien.
Il revient plus tard, fait quelques places de cinquième ou quatrième, mais chute très souvent. Il broie deux motos en une saison. Basta, les courses en solo, sans sponsors ni préparateur ! Zef raccroche le cuir. Trop de dettes, trop de stress et de fatigue (n’oublions pas que Zef est téléopérateur le jour, et vendeur en station-service la nuit…) Sans compter qu’il devient papa à 22 ans !
Un virage à 180 degrés !
Zef grandit, se responsabilise, et décide de reprendre ses études. Comme après chaque décision, il se galvanise sur ce nouveau projet et obtient sa maîtrise de philosophie ! Glurp nous diriez-vous ? Eh oui, notre bonhomme a une tête bien construite. Il a besoin de comprendre les choses, les analyser, et en tirer ses propres conclusions. Son objectif à ce moment précis ? Passer l’agrégation pour endosser le job de prof de philo.
Mais chasse le naturel… il revient à moto !
La bécane est toujours dans un coin de sa tête, de son coeur. Il continue bien évidemment à lire les magazines spécialisés, dont un célèbre que nous mentionnons avec joie, Moto Journal. Et au sein des petites annonces, Zef repère une offre dont les mots-clés lui font bigrement de l’oeil : “goût de l’écriture”, “passion de la moto”, bingo ! Allez, on ne sait jamais, Zef envoie son CV par fax, persuadé qu’il s’agit d’une offre pour travailler dans les équipes de Moto Journal.
C’est en réalité Philippe Gorce et Samir Boussa d’Option Moto – magazine célèbre de tuning dans les années 90 – qui reçoivent Zef en entretien. Maîtrise de philo, compétition, le profil est plutôt sympathique ! L’entretien d’embauche s’achève par la question “Savez-vous faire des roues arrière? “ – “Evidemment !” – “Parfait, vous commencez dans deux jours.” Il hésite alors toute la nuit à lâcher sa prépa pour devenir agrégé ou tenter cette nouvelle aventure.
Zef embrasse ainsi cette carrière journalistique et s’épanouit, toujours avec grand enthousiasme. Le magazine Option venait d’être racheté par Eric de Seynes, actuel patron de Yamaha Motor France. Il travaillait avec le rédacteur en chef Claude de la Chapelle, que Zef admire énormément, “il m’a appris beaucoup” dit-il.
Puis lors d’une présentation presse quelques mois après son arrivée à Option, Zef est repéré par Eric Malherbe, de Moto Journal.
Humilité, loyauté et fidélité. Quelques adjectifs supplémentaires pour définir notre “Rebel”. Il ose dire non à Moto Journal, son magazine fétiche depuis ses 17 ans ! Sa raison ? “Option Moto m’avait donné ma chance, j’avais choisi de continuer à leur faire confiance. Et puis Eric de Seynes était rentré dans une colère noire quand je lui ai annoncé que Moto Journal voulait m’embaucher !”.
Que n’a-t-il pas fait là ! On ne dit pas non à Moto Journal, enfin, Zef ! Grillé à vie ? Loin de là, car le magazine le rappelle quelques mois plus tard…
A 30 ans, Zef se retrouve parachuté au poste d’essayeur rédacteur chez Moto Journal :
Son quotidien se trouve rythmé entre essais moto, rédaction d’articles, bouclages… Grâce aux essais, il arpente les quatre coins de France et du monde, de Bormes-les-Mimosas au Mans, d’Australie au Japon. Une vie incroyable, le rêve !
Puis il reprend la compétition en endurance : il court six fois le Bol d’Or, dix fois les 24h du Mans, six fois le Moto Tour… Mais aussi les 8h de Suzuka, 6h de Bahreïn, ou 8h de Doha au Qatar… Et continue de changer régulièrement de moto perso. Il en a eu 24 en 24 ans de permis, dont des Dominator 650, GSX-R 600, FZR 600, KLX 250, DR 800, Daytona 955i, Honda CL 350 scrambler… Il affectionne paradoxalement deux types de motos, les sportives et les trails.
En 2007 il devient chef d’essai de Moto Journal, expérience qui ne lui laisse pas de souvenirs impérissables, puis de nouveau emprunte une autre voie, cinq ans plus tard, mais toujours dans le journalisme moto ! C’est désormais aux éditions du Dollar, qui publient Cafe Racer, que Zef trouve son bonheur. Nous sommes en mai 2012, Twin & Triple, un magazine consacré uniquement aux motos anglaises, voit le jour, Zef en est le rédacteur en chef !
Le Japon :
Sa passion pour la course et son poste chez Moto Journal l’ont conduit à se déplacer au Japon, pour lequel Zef voue une profonde estime. “Fous et passionnés”, sont les japonais selon notre pilote. De vrais “timbrés” de mécanique, avec ce sens du détail et de la précision qui apporte tant aux motos.
Un de ses projets chez Café Racer est justement de lancer un magazine spécialisé dans les motos japonaises, toujours typées racer. “Pour mieux faire connaître au public cette folie japonaise de la mécanique”, valoriser leur histoire, leurs prépas, leurs techniques”. Fin 2014, un hors-série de Café Racer baptisé Japan Racers est créé, dont Zef est le rédacteur en chef.
Il nous explique, avec ses grands yeux d’enfant, qu’il y a là-bas des garages de préparateurs minuscules, à fleur de trottoir, où tu peux manger par terre tellement c’est propre ! C’est dans le quartier d’Ueno, à Tokyo. Pas fan de la gastronomie en revanche, il reconnaît une forme de raffinement et de “perversion” dans les ingrédients utilisés – le cru, le gluant, les algues… – Un brin coquin notre journaliste !
L’écriture :
Zef n’en revient toujours pas de son parcours. Il semble être là et en même temps, s’étonne de tout, s’émerveille d’un rien, et hop, file dans ses pensées. Un rêveur notre Zef, et un sacré rédacteur.
Les clés de la réussite selon lui dans ce métier ?
Créer et nouer des relations, s’immiscer dans la vie voire l’intimité de personnalités atypiques ou solitaires. Soigner ses articles en dépit du rythme parfois soutenu (jusqu’à trois papiers à rédiger dans une journée !). Et surtout rester humble, le journaliste n’a pas vocation à se mettre en avant perpétuellement. L’emploi du “je” ne doit servir que le sujet dont il traite.
“Nourrir la bête, avide”. C’est ainsi qu’il parle d’un journal.
En tout cas, Cam et moi avons été rassasiées par cette interview ! Tes récits et anecdotes nous ont comblées, Zef.
Et c’était sans compter la truculente séance photo que nous t’avons fait “subir”, sur notre belle place de la Concorde… Faites-vous plaisir les amis !
Photos : Collection personnelle de Zef et photos prises par Cam sur notre belle place de la Concorde !
Super article très intéressant . Merci !
Mais quel beau gosse ce Zef, un peu court sur patte mais dans le fond c’est un mec bien !!
Bonne route et oublie jamais = https://www.youtube.com/watch?v=Bj8_rvN5qRM
Biz
Article intéressant et complet !
C’est vrai qu’il est sympa Zef!
Merci
[…] Petit conseil de lecture : le portrait de Zef Enault par les filles de Kiss’n’Vroom […]
C’est vrai qu’il est pas mal, en plus 🙂
Zef etais prof de francais en 2017 et en 2018 dans un college situé a mantes la ville (78711)
Tout à fait ! 🙂