Super Museum  Iwashita Collection

Super Museum
Iwashita Collection

Si la caverne d’Ali Baba existait, elle se trouverait dans l’ouest de Kyūshū, nichée dans les vallons de cette belle île explosive de l’archipel japonais. Là-bas, pas besoin de jeu de piste dans le désert, ni de mot de passe mystérieux, quelques pièces de 100 yens suffisent pour accéder à l’antre des merveilles.

Sur les recommandations de notre ami Nori, nous partons ce matin à la découverte de la collection Iwashita. Nori nous a évoqué des modèles de motos incroyables et disparus, il n’en fallait pas plus pour attiser notre curiosité et nous donner l’envie d’aller voir tout cela de nos propres yeux. Après une heure de petites routes fabuleuses sinueuses à souhait, serpentant entre les pins et enjambant les rivières – sur lesquelles nous nous promettons, une fois de plus, de revenir rouler sur deux-roues chacun, nous nous garons devant quelques maisonnettes de bois et un grand hangar métallique. Trois panneaux affichant une demie douzaine d’images dépareillées, pas un chat à l’horizon…impossible de soupçonner les trésors qui se cachent derrière ces murs.

Deux statues antiques immaculées, une paire de lions en bronze, une vieille BM et un moteur d’avion accueillent les visiteurs sur le perron. Le ton est donné : hétéroclite, pointu, foisonnant, créatif, pétillant, détonant, enthousiasmant, incroyable…je m’arrête sous peine de vous saouler car je pourrais faire l’article le plus long du blog rien qu’en énumérant les superlatifs que m’inspire cet endroit hors du commun 🙂

Imaginez…un homme d’affaires japonais qui aurait accumulé des trésors pendant trente cinq ans…merveilles chinées et dénichées aux quatre coins du monde, allant de figurines de toutes sortes à une carlingue d’avion, en passant par des affiches de cinéma, une Chevrolet, des meubles d’école et de métier, des vitraux, des transistors, des uniformes de l’armée, des enseignes…j’en passe et des meilleurs…et bien sûr…des motocyclettes…!!
Vous avez devant vous la collection Iwashita, véritable narration du mode de vie sous l’ère Showa : trois niveaux de pépites inédites juxtaposées et entassées dans un joyeux bric-à-brac, classées par thèmes, témoins d’un temps dorénavant révolu et faisant allègrement jongler les associations d’idées et de fonctions.

Quant aux deux étages de joyaux mécaniques, ils représentent à eux seuls un condensé d’histoire de la moto. Monsieur Iwashita est l’heureux propriétaire de plus de cinq cents machines, impossible à exposer en une seule fois malgré la taille impressionnante du lieu. La collection tourne donc au gré des arrivages et des restaurations. L’échantillon que nous avons sous nos yeux en ce joli mois de mai nous laisse sans voix.

Les japonaises d’abord. Suzuki, Yamaha, Kawasaki, Honda bien sûr mais aussi des marques inconnues au bataillon (au mien du moins) : Cabton, Sumita, Monarch, Panther, Meguro…Pour la petite histoire, Meguro est maintenant bien plus connue sous le nom de Kawasaki, qui a racheté la petite firme en 1964.
Les anglaises, les germaines, les américaines et même les suisses et les brésiliennes ne sont pas en reste. Nimbus, Amazonas…cela vous dit quelque chose ? 🙂

Quant aux italiennes…le joyau de la collection est sans nul doute cette Ducati Apollo en cage, scintillant doucement sous la lumière de quelques projecteurs.
Attention, minute d’histoire ! Construite à seulement deux exemplaires restés à l’état de prototypes, cette moto quatre cylindres en V était à l’origine destinée à concurrencer les Harley de la police américaine – d’où son nom faisant référence au programme spatial de l’oncle Sam. Aucun pneu ne résista malheureusement à la puissance de cette prouesse technique de 100 chevaux et le projet dû être abandonné. Nous avons devant nous un trésor inestimable, à peine séparé des visiteurs par un frêle grillage. Magie du Japon !

Le temps semble s’être arrêté, nous ne réalisons pas que cela fait déjà plus de trois heures que nous sommes là, à nous extasier et à prendre en photo le moindre détail. Elles sont toutes là les belles, sagement endormies sous le toit de tôle et semblant attendre le prince charmant qui viendra les délivrer de leur douce torpeur. Cela fleure bon l’huile et le métal. Nous sommes seuls à déambuler dans les allées et je crois presque entendre le ronron des moteurs dans les échos du hangar. Quelle atmosphère envoûtante…

Un monsieur tout à fait décontracté nous rejoint au « grenier » et nous demande d’où nous venons. Après quelques minutes de bavardage, nous comprenons qu’il s’agit du maître des lieux en personne, Monsieur Iwashita himself ! Quel honneur ! Quel plaisir ! Immense bonheur de partager un café avec lui et son équipe, au comptoir de la nef d’entrée gigantesque et d’échanger quelques mots en franjapanglais sur la vie étonnante de cet ancien industriel si attentionné.

Il est seize heures, nous devons nous éclipser…le Shinkansen n’attend pas. Après quelques photos souvenirs sur le pas de la porte, nous regrimpons dans notre petite Nissan qui ne s’est malheureusement pas transformée en carrosse malgré le conte de fées que nous venons de vivre.
Allez, foin de bavardage, je vous laisse découvrir en images ce lieu si extravagant et fabuleux, cela vaudra bien mieux que d’autres dizaines de mots en noir et blanc. Et ne m’en voulez pas, j’ai comme qui dirait eu un gros coup de coeur pour la collection invraisemblable de figurines 😉

Photos : Cam