Sur les routes auvergnates

Sur les routes auvergnates

Samedi 5 août 2017. Enfant confiée. Baluchon amarré. Casque, bottes et blouson sanglés. Il est temps de m’échapper au guidon de ma fidèle W.
Vite, s’extirper de cette capitale tentaculaire qui devient si claustrophobique lorsqu’il s’agit d’en sortir. L’autoroute ennuyeuse et linéaire reste encore le meilleur moyen de s’évader le plus rapidement possible. C’est vers Fontainebleau que le voyage commence vraiment, nos roues dans celles des vacanciers d’alors qui empruntaient la mythique N7.

Direction l’Auvergne. Ses volcans, sa truffade, ses routes désertes, son air pur. Quel bonheur de voyager si léger ! Pour six jours, j’ai même hésité à prendre un deuxième pantalon, mais le cordura rêche du jean spécial moto a achevé de me convaincre. Corsetée dans mon cuir de buffle Segura, la tête confortablement enserrée dans le casque Shoei acheté pour l’occasion, bouchons d’oreilles bien en place, je savoure mon cocon. Vous voyez cette sensation dont je parle ? Le vent vous fouette, votre moteur vrombit, les températures ne sont pas si clémentes et pourtant vous ne vous êtes jamais sentis si bien. Si calme. Si vivant.

Ce cocon artificiel est d’autant plus important à moto, car une fois lancés sur nos montures, le moindre petit désagrément corporel prend rapidement des tournures de drame. Le cheveu qui s’est évadé et vous titille le front, le filet d’air qui parvient à se frayer un chemin jusqu’à votre cou, le nez qui se met à vous gratter, le caillou dans la botte, pire le moucheron infiltré dans le casque par les aérations. Il faut alors immédiatement s’arrêter au risque de devenir fou.

Revenons plutôt à la N7 et avançons jusqu’au Mont Dore sans passer par la case « grandes plaines ». Franchi l’Allier, c’est parti pour le vertige des paysages. Vert des sapins, bleu du ciel, noir des rochers. Les virages s’enroulent, paisiblement. Pour un peu, je m’assoupirais presque, bercée par le bourdonnement du moteur, la tête dans mes pensées, et tout à la fois concentrée sur la route.

Que le monde paraît bavard et bruyant lorsqu’on retire casque et protections auditives. Pour avoir fait les cent premiers kilomètres du voyage sans bouchons, je peux vous certifier que l’état de fatigue n’est pas le même. « Comme une coucourde », vous connaissez cette expression ? Bah voilà. Alors qu’avec des Alpine, on arrive frais et dispo, telle la rosée du matin. Ces bouchons en forme de petits sapins permettent d’atténuer le bruit sourd et les vibrations du moteur sans pour tant vous donner la sensation étrange d’être enfermé en soi-même que peuvent donner de simples boules Quiès. À inscrire d’office sur la check-list de votre prochain road trip !

Châtel-Guyon, le Mont-Dore, Besse-et-Sainte-Anastaise, Riom-ès-Montagnes, Salers, le Puy en Velay.. et tous ces panneaux aux noms exotiques qui ont défilé devant ma visière. Autant d’escales adorables et gourmandes qui se mélangent dans les souvenirs et que je tente de fixer dans mon album photo mental.
En quelques jours, l’Auvergne a conquis mon cœur.

En aurait-il été autrement en voiture ?
J’en suis convaincue.

À moto, une journée de voyage en vaut trois, chaque heure passée à rouler en vaut dix. Aussi loin que je me souvienne, je ne parviens pas à me rappeler avoir été autant dépaysée en si peu de temps dans mon propre pays. Est-ce parce que, seul.e dans son casque, on part loin loin loin dans les méandres de ses réflexions ? Est-ce la prise directe avec les éléments, le vent, les odeurs, la conscience du danger potentiel de la route ? Mon petit doigt me dit que, pour le savoir, il va falloir repartir vite !

« Voyager, c’est demander à la distance ce que le temps ne pourrait nous donner que peu à peu. »
Paul Morand