Desmonette

Desmonette

Je vais vous raconter ma rencontre avec une belle dame prénommée Desmonette.

Tout commence par une annonce sur internet, entre les lignes desquelles j’ai pu interpréter la description suivante : « La quarantaine flamboyante, je saurai illuminer votre vie ».

Il est vrai que les photos accompagnant le texte donnaient envie. Une ligne racée, un teint de pêche d’été, une belle gueule à se damner. Il n’en fallut pas plus pour me convaincre d’aller à sa rencontre, sur les hauteurs du Beaujolais.

Je n’allais pas y aller seule. Trop peur d’être impressionnée et ne pas savoir comment l’amadouer, cette beauté rare. Alors j’ai demandé à mon cher jeune mari de m’accompagner dans ce périple. Qui commençait mal d’ailleurs…

Le beau véhicule loué à cette occasion m’ayant filé sous le nez comme je me suis présentée aux heures de fermeture, j’ai du trouver une solution de repli expresse sur un site de particuliers, la veille au soir. Le carrosse n’en était plus un, à la place, une vieille fourgonnette peu confortable. Qu’à cela ne tienne, seul compterait le résultat, se rendre depuis Paris au lieu de résidence de notre mystérieuse inconnue.

Nous partons aux premiers rayons de soleil, qu’écris-je, averses de pluie, et amorçons notre descente. Cinq heures durant, les éléments ne nous auront pas épargnés. Pluie et vent ont eu raison de notre vieux véhicule qui nous aura bien malmenés ce voyage durant. Sans oublier un détail : j’étais enceinte de 8 mois…

Nous arrivons finalement dans le sud de la Bourgogne et là, miracle, le soleil nous fait l’honneur de sa présence. Le sourire nous revient aux lèvres ! Excités à l’idée d’approcher de notre… promise, nous frémissons d’impatience.

Notre smartphone nous conduit à une route bordée de vignes, surplombées par les monts  du Beaujolais. Quel divin accueil ! Une dizaine de virages sinueux plus tard, nous arrivons devant une charmante demeure, au portail fermé.

Signifiant notre arrivée à notre hôte, nous faisons entrer notre peu fier camion dans l’allée.

Fébriles et épuisés, nous faisons connaissance avec Christian, au visage chaleureux. Les politesses passées, il en vient au cœur de notre sujet.

« Venez, elle est là, j’ai même allumé le chauffage pour que tout soit parfait ».

Le rideau, euh porte de garage s’ouvre et nous nous engouffrons à l’intérieur. Christian fait jaillir la lumière et nous nous trouvons face à elle.

Plus belle encore que sur les photos, elle irradie de sa présence, à côté de ferrailles, pièces détachées, débris de mécanique en tout genre (nous sommes bien dans un garage atelier de passionné !)

Petite, mince et affutée, elle a un charisme fou. Sûrement lié à ses courbes et sa couleur ne laissant aucun doute sur sa préciosité et sa rareté. Jaune iconique, elle se met à nous raconter en chuchotant, son histoire.

A son époque, les années 70, elle était la reine des quartiers et la princesse des circuits (quand on la parait de carénages pour la « coursifier »).

Dotée de forts atouts – beau berlingot, jolies ailettes,… – elle en faisait tourner des têtes ! En plus, elle aimait séduire les jeunes, qui aimaient en elle son agilité et ses performances : 130 kilos de grâce pour 160 km/heure de plaisirs !

Joueuse, maniable et sexy, elle était l’incarnation parfaite du Cafe Racer de son temps. Et aussi, la dernière lady de sa génération dotée d’un monocylindre ! Eh oui ! Dès la moitié des années 70, sont arrivées, plus séduisantes et puissantes que jamais, ses consoeurs bi-cylindres et ses cousines japonaises quatre cylindres, sans concession aucune sur la performance, la qualité et la fiabilité ! Mais la Ducati Desmo mono 350 de 1973 étant le dernier modèle de sa catégorie, elle est la plus aboutie de sa série !

Ses confidences terminées, Desmonette est sortie de son antre et à la lumière déclinante du jour, elle n’en était que plus séduisante. Cessant de susurrer pour carrément s’exprimer suite au coup de kick de son propriétaire, Desmonette a achevé de me conquérir.

Une belle voix rauque caractéristique des mono cylindres est sortie de ce fin et délicat gabarit ! Quel caractère !

Christian, son propriétaire, n’a pas tari d’éloges sur sa protégée. Depuis son acquisition il y a une dizaine d’années à son voisin tout aussi passionné, il n’a eu de cesse de la préserver et la chouchouter. Quasiment toute d’origine, Desmonette a connu néanmoins quelques optimisations : comptant 18000 km derrière elle, ses segments ont été changés, de même que ses câbles (joints spi de fourche, caoutchoucs de compteurs, câbles d’accélération, d’embrayage, de freins). De nouveaux pneus la parent désormais, ainsi qu’une nouvelle peinture de fourche reproduite à l’identique –même rendu granuleux – ainsi qu’une peinture rafraîchie du cadre. Son phare et son faisceau ont enfin été changés. Pour le reste, tout est d’époque. Magnifique, je vous dis.

Nous décidons de repartir avec elle. Notre piteux camion fait néanmoins le travail de bien la protéger et l’acheminer à bon port… directement dans notre appartement ! C’est que la place se fait rare dans nos quartiers parisiens !

Depuis ce jour, Desmonette trône donc au milieu de notre salon, son teint rayonnant contrastant fièrement avec le bleu nuit du mur. Jugez par vous-même !

Et voilà que se termine le récit de ma première acquisition de moto ancienne. Le début d’une longue série ? Qui sait ?

Prochain objectif : l’apprivoiser (avec ses commandes inversées, elle risque de me donner du fil à retordre la chipie !) et la chevaucher lors des prochaines coupes Moto Légende en mai 2018 !


Article à retrouver dans le Génération Moto numéro 106 !

Photos : Clara